Pratiques sexuelles Thérapies

BDSM : de la pathologie à l’effet thérapeutique ?

C’est une petite révolution silencieuse qui s’est opérée dans les manuels de diagnostic ces dernières années. Avec le DSM-5, le BDSM (Bondage, Discipline, Sadomasochisme) a quitté le rayon des maladies mentales pour rejoindre celui des “intérêts sexuels atypiques” – tant qu’il est pratiqué entre adultes consentants.

Mais peut-on aller plus loin ? Au-delà d’être simplement “non-pathologique”, le BDSM pourrait-il être thérapeutique pour les personnes qui le pratiques ?

C’est la question que posent Bernard Andrieu, Asia Luy et Claire Lahuerta dans leur article “La contrainte consentie : après le DSM-5, quelle thérapie BDSM ?” (2019).
Cette idée est souvent exprimée, discutée, critiquées dans les milieux concernés. La pratique du BDSM peut-elle nous aider à surmonter nos trauma ? à apprendre le consentement et les limites ? à lâcher prise ? …

Mon point de vue de sexologue
Si l’article parle de “thérapie BDSM”, je préfère parler d’effets thérapeutiques. Si ces pratiques peuvent apaiser, réparer ou faire grandir, elles comportent des risques si les partenaires ne sont pas au clair avec leurs propres limites. Même si les effets sont bénéfiques, le “jeu” ne remplace pas une thérapie, mais peut la compléter magnifiquement.
C’est le même principe avec d’autres pratiques qui ont des effets potentiellement positifs – le théâtre, la danse, la photographie…

Mais les auteurs employant cette formule de “thérapie BDSM”, je l’utiliserai donc dans cet article.

Cet article qui fait le point sur les connaissances scientifiques actuelles résonne fort avec ce que bien des pratiquants BDSM savent déjà de façon empirique : comment, paradoxalement, la contrainte peut devenir un chemin vers la liberté.

Quand la contrainte libère

L’article met en lumière un mécanisme fascinant : la “thérapie BDSM” ne consiste pas à subir, mais à transformer le sens de la sensation.

Les auteurs expliquent que dans un cadre sécurisé (le fameux SSC : Safe, Sane and Consensual), la douleur ou la contrainte ne sont plus subies comme des agressions. Elles deviennent des supports pour atteindre un état modifié de conscience, proche du “flow”. Pour le ou la soumis.e, c’est souvent l’occasion d’un lâcher-prise total, une pause bienvenue dans un quotidien où l’on doit souvent “tout gérer”. Pour le ou la dominant.e, c’est l’exercice d’une empathie extrême : sentir les limites de l’autre pour les respecter ou jouer avec, sans jamais les briser.

Une première conclusion à destination des thérapeutes :

Lorsque des patient.e.s évoquent ces pratiques, l’enjeu n’est plus de chercher “pourquoi” (le traumatisme originel), mais “comment”. Comment cette mise en scène leur permet-elle de réguler leurs émotions, de reprendre le pouvoir sur leur corps ou de s’autoriser un abandon qu’ils/elles ne trouvent nulle part ailleurs ?

pour approfondir cette réflexion : Vers un guide de bonnes pratiques à destination des thérapeutes pour la prise en charge des clients pratiquant le BDSM

Un cadre, sinon rien

Ce que j’apprécie particulièrement dans cet écrit scientifique, c’est l’insistance sur le cadre. Sans consentement clair et sans négociation préalable, il n’y a pas de jeu, et encore moins d’effet thérapeutique. C’est la sécurité qui permet l’aventure. Les auteurs parlent de “binôme érotique” où le/la dominant.e doit être “thérapeutisant.e”, c’est-à-dire faire preuve d’une écoute absolue et d’une attention aux limites et à la progression de la personne soumise.

Vers une exploration joyeuse

En conclusion, cet article valide ce que beaucoup de pratiquant.e.s savent déjà : loin des clichés sombres, le BDSM peut être une exploration joyeuse de soi et de l’autre. Il nous invite, nous professionnels de la sexualité, à accueillir ces récits avec curiosité pour les ressources insoupçonnées qu’ils révèlent chez nos patient.e.s., et à donner à ces derniers la possibilité d’explorer ces pratiques s’ils le souhaitent, mais dans un cadre sécurisant.

Pour aller plus loin…

Le BDSM : échange de pouvoir et bienveillance

J’ai choisi cette vidéo car elle illustre parfaitement le propos de l’article : loin de la violence, on y parle de “domination joyeuse”, de respect profond et de la manière dont l’échange de pouvoir permet paradoxalement une “mise à nu” et un lâcher-prise aux vertus quasi-thérapeutiques.

https://www.youtube.com/watch?v=EGP1pnkGEvE

Vous pourriez également aimer...