Les pratiques BDSM (Bondage, Domination/Soumission, Sado-Masochisme) sont sorties de la liste des pathologies mentales avec la parution du DSM-V, où elles sont désormais considérées comme “pratiques sexuelles inhabituelles”.
De nombreuses études psycho-sexologiques présentent désormais ces pratiques comme relativement courantes. Mieux encore, plusieurs études ont montré une corrélation positive entre les pratiques BDSM et une meilleure santé mentale, avec des bénéfices sur l’humeur, le stress, la dépression – au point même que le projet BDSM & thérapie interroge la pratique du SM sous l’angle du soin.
Cependant, parmi les professionnels de la santé mentale, ce monde et ces pratiques sont très mal connues, au point que les personnes qui pratiquent le SM sont souvent réticents à aller voir un psy, ou n’évoquent pas avec lui leurs pratiques sexuelles, de peur du jugement ou de la pathologisation de leur sexualité (cf l’article sur les biais de prise en charge des clients BDSM)
Dans le monde anglo-saxon, les pratiquants SM se reconnaissent comme une communauté, avec une culture (ou sub-culture) spécifique. Ils revendiquent leur pratique du BDSM non comme une déviance mais comme une particularité à prendre en compte dans leur prise en charge par les psychiatres et psychologues.
C’est dans ce cadre que Kleinplatz & Moser, en 2004, ont publié un début de “Guide de bonnes pratiques pour travailler avec des clients BDSM” – dans l’article Towards clinical guidelines for working with BDSM clients, dont je traduis ici un extrait.
Les auteurs listent quelques directions à considérer pour une bonne compréhension des demandes des pratiquants SM, qui me semblent très pertinentes pour les thérapeutes amenés à suivre ce type de clients :
Ne pas présumer que la plainte qui amène le client est causé par ses pratiques SM – ou même simplement en lien avec ces pratiques.
Ne pas présumer des attentes du client – de nombreux clients ou leurs conjoints demanderont un avis sur la normalité de leurs fantasmes et pratiques, mais très peu souhaitent en réalité changer de sexualité.
Ne pas essayer de “guérir” le client de sa sexualité SM – d’autant que cela risque fort d’être voué à l’échec, comme toutes les thérapies de conversion (comme celles destinées à supprimer l’homosexualité).
Il n’y a aucune preuve que les goûts BDSM soient liés à un trauma infantile.
Ne pas présumer que les soumis.e.s / esclaves / bottom sont abusés. Le BDSM n’est pas une agression sexuelle ou un abus sexuel.
Comprendre que les fantasmes et pratiques BDSM peuvent cohabiter avec une sexualité “vanille”. Il n’a jamais été prouvé que la pratique du SM était lié à une sexualité conventionnelle insatisfaisante.
Être avisé des difficultés à vivre ses fantasmes BDSM tout au long de la vie du patient (dans la jeunesse, en tant que parent, …)
Être en mesure de conseiller des lectures, une bibliothérapie, qui peuvent aider le client à gérer le stigma et à dépasser le sentiment de solitude souvent rencontré dans les groupes marginalisés.
Les désirs refoulés sont bien plus effrayants. Si vous êtes moins effrayés par les fantasmes de vos clients qu’ils ne le sont eux-même, vous serez davantage en mesure de les aider.
Soyez conscients d’éventuels contre-transferts. Ce qui vous active peut être une donnée clinique, vous renseigner sur vos propres enjeux, ou les deux. Dans le monde BDSM, on anticipe ce problème de jugement. Il y a une formule qui dit “Your kink is not my kink, but your kink is OK” (tes fantasmes ne sont pas les miens mais ce n’est pas problème).
Il est extrêmement violent d’exprimer un jugement, ou pire, du dégoût, face à ce qui excite d’autres personnes.
Si vous êtes mal à l’aise, c’est de votre responsabilité de vous informer, de trouver une supervision ou de réadresser ce client à un thérapeute qui saura mieux l’accompagner.