Qu’est-ce que l’attachement ?
L’attachement, pour le dire vite, c’est la force de nos liens, et surtout, la conscience que quelqu’un est là pour nous en cas de besoin.
Un bébé qui a un attachement sécure, qui sait qu’un appel à l’aide sera entendu, dispose d’une base de sécurité qui lui permettra d’aller explorer le monde en toute confiance.
À l’inverse, un bébé insécure, qui n’est pas certain de sa relation de base développera des stratégies qui lui resteront toute sa vie : par exemple en demandant très souvent à être rassuré par l’autre, ou au contraire en se coupant ses émotions et en se désinvestissant des liens intimes.
Comprendre l’attachement, les styles et les troubles de l’attachement permet d’aider les patients, notamment dans le cadre d’une thérapie de couple car l’attachement est en jeu avec notre partenaire.
John Bowlby et la théorie de l’attachement
Les bébés mammifères, lors qu’ils viennent au monde, ne sont pas capables de subvenir seuls à leurs besoins vitaux.
Formulée pour la première fois en 1958 par John Bowlby, la théorie de l’attachement postule qu’un certain nombre de réponses comportementales instinctives permet au bébé de nouer des relations avec une « figure d’attachement » (dans de nombreux cas la mère, mais pas nécessairement). Ainsi, sucer, attraper, suivre, pleurer et sourire permettent de créer ou de vérifier ce lien dès la première année de vie.
L’attachement se met en place dans un système complexe qui lie le comportement d’attachement du bébé, et les réponses de care giving de la figure d’attachement. Savoir que cette figure d’attachement sera disponible pour le réconforter s’il a peur ou qu’il souffre permet un attachement sécure du bébé (et de l’enfant). À l’inverse, une réponse aléatoire, un comportement moins affectueux ou un rejet chronique mèneront à un attachement insécure.
Suivant le type de réponse de la figure d’attachement et sa prévisibilité (venir à chaque fois lorsque le bébé pleure, rendre un sourire, mais aussi valider les émotions de l’enfant), l’enfant développe un style d’attachement, qu’il gardera ensuite toute sa vie.
Pour aller plus loin :
La théorie de l’attachement : son importance dans un contexte pédiatrique [Revue Devenir, 2007]
Mary Ainsworth et la situation étrange : tester le style d’attachement des bébés
Attachement sécure, anxieux, évitant ou chaotique : les différents styles d’attachement
Dans les années 60-70, la psychologue du développement Mary Ainsworth enrichit la théorie de Bowlby, notamment en ajoutant la notion d’attachement sécure ou insécure. Elle invente un protocole pour tester le type d’attachement des bébés, qu’elle appelle la situation étrange.
Dans cette expérience, il s’agit d’observer les réactions de l’enfant lorsqu’il est dans une pièce inconnue, d’abord avec sa mère (aujourd’hui on dirait avec sa figure d’attachement), puis en présence d’un inconnu, et enfin au retour de sa mère après toutes ces expériences.
En fonction des pleurs de l’enfant lorsqu’il se retrouve seul, de sa capacité à se calmer au retour de sa mère, Ainsworth classifie les styles d’attachement.
> En savoir plus sur la situation étrange
On considère que dans le cas général (hors contexte de guerre, etc.), la répartition des styles d’attachement est d’environ :
• 50 à 60% d’attachement sécure
• 20% d’attachement évitant
• 25% d’attachement anxieux
• 2 à 5% d’attachement désorganisé / chaotique
Sécure, détaché, préoccupé ou craintif : comment les styles d’attachement s’expriment à l’âge adulte
« Bartholomew et Horowitz (1991) ont mis au point un concept d’attachement qui reprend les relations actuelles avec les proches et détermine un modèle de soi et des autres. Les questionnaires élaborés à partir de ce modèle définissent quatre styles d’attachement :
Christine Genet, Estelle Wallon. « Psychothérapie de l’attachement. » Apple Books.
Sécure : modèle de soi positif, modèle des autres positif
Détaché : modèle de soi positif, modèle des autres négatif
Préoccupé : modèle de soi négatif, modèle des autres positif
Craintif : modèle de soi négatif, modèle des autres négatif »
Le style d’attachement sécure
L’adulte sécure est serein, il a confiance en lui-même et dans les autres.
En cas de coup dur, il sait qu’il pourra trouver de l’aide auprès de sa famille ou de ses amis proches. Il sait accepter l’échec et reconnaître ses erreurs, sans pour autant se dévaloriser.
En cas de perte, il suit un processus de deuil, puis reprend le cours de sa vie. Son couple est construit sur une relation d’égalité : chaque partenaire offre à l’autre une base de sécurité, et l’aide à explorer son propre chemin en-dehors.
C’est un parent attentif, qui peut être ferme tout en gardant une certaine souplesse.
Le style d’attachement détaché
L’adulte détaché valorise au plus haut point l’autonomie. Il a confiance en lui-même mais pas dans les autres – que ce soit pour lui ou les autres, il considère que chacun soit se débrouiller tout seul, et cherchera toutes les solutions avant de demander de l’aide (il se sentira alors redevable, et n’aimera pas cela).
Globalement, ces adultes ont fait dans l’enfance l’expérience d’un amour conditionnel : ils pensent que pour qu’on les aime, ils doivent être forts, efficaces, performants, et surtout ne pas montrer leurs besoins ou émotions… ils sont donc très « dans leur tête », et n’ont que peu d’accès à leurs émotions.
Dans une période de deuil, de difficultés, si leurs émotions et leur besoin d’attachement réussissent à percer, ils feront tout leur possible pour ne pas les exprimer, et les remettre sous le couvercle. Les débordements émotionnels leur semblent inadaptés, vulgaires, limite pathologiques.
Enfin, ils appliquent le même système de pensée à leur conjoint.e ou leurs enfants : je ne répondrai à ta demande (d’aide, de câlin) situ arrêtes de demander, car l’important c’est avant tout que tu t’autonomises et que tu t’endurcisses.
Le style d’attachement préoccupé
L’adulte préoccupé a une mauvaise estime de lui-même : les autres valent tous mieux que lui ! À l’inverse de l’adulte détaché, il tentera au contraire en permanence de vérifier que les autres le considèrent et l’aiment – et ils sont souvent déçus : j’ai besoin d’aide mais on ne m’écoute pas !
Hypersensibles au moindre signe de prise de distance ou de rejet, ils basent toute leur sécurité sur la présence et l’attention des autres (ils pourront devenir étouffant à force d’exprimer un besoin de réassurance jamais assouvi).
Leurs émotions sont vécues sans nuances, en tout ou rien, sans possibilité de prendre de la distance ou d’analyser. Leurs relations de couple sont marquées par la peur d’être abandonnée, et les émotions fortes qui en découlent pourront entraîner souvent des cris, des disputes, de la jalousie ou des menaces de départ.
Le style d’attachement craintif
Ce style (non prévu par Bowlby) regroupe des personnes qui ont vécu des traumatismes dans l’enfance. Ils ont une image négative d’eux-mêmes (je ne mérite pas, je ne vaux rien) mais aussi une image négative des autres, perçus comme rejettants. Ces adultes redoutent à la fois la présence des autres et la solitude. Ils sont extrêmement sensibles au stress.
Dans leurs relations, ils chercheront à la fois le retrait et la solitude (comme des adultes détachés), mais aussi le conflit comme les adultes préoccupés. Leurs relations de couple engendrent du combat, de la peur, voire de la violence, pour eux-même et pour leur partenaire.
Ces styles d’attachement, décrits de façon archétypale, restent relativement stables tout au long de la vie. À l’occasion d’une thérapie, on peut cependant glisser vers un attachement plus sécure.
Comment sécuriser notre attachement ?
Le travail avec un thérapeute peut nous aider, une fois adulte, à sécuriser notre style d’attachement.
Pendant la durée de la thérapie, le thérapeute pourra offrir une base sécure (avec la reconnaissance, la validation des émotions, … tous les besoins qui n’ont pas forcément été assouvis pendant l’enfance) pour permettre à notre besoin d’attachement de s’assouplir.
En partant de cette base, il sera possible d’explorer toutes nos autres relations.
Un travail qui cherche à sécuriser le style d’attachement ne pourra pas être uniquement une réflexion sur les relations, il s’agir surtout de rééprouver des émotions liées à nos expériences d’enfance, et de les apaiser avec le thérapeute (l’EFT, technique de libération émotionnelle, est par exemple tout à fait adaptée pour ce genre de travail thérapeutique). De même, la thérapie des schémas, la thérapie NARM, ou encore la Somatic Experiencing, peuvent être des bonnes pistes pour aborder ce type de besoin.