Fiches de lecture

La danse du couple – Serge Hefez & Danièle Laufer [Fiche de lecture]

La danse du couple
Les coulisses et les enjeux de la vie à deux

Serge Hefez, Danièle Laufer

Fiche de lecture

Raisons du choix de ce livre

Je cherche à compléter ma compréhension des dynamiques et de la thérapie de couple avec des points de vue différents, qui puissent nourrir ma pratique clinique. Les extraits que j’avais lus de la Danse du couple me semblaient prometteurs.

Les auteurs

Serge Hefez et Danièle Laufeur

Serge Hefez est un psychiatre et psychanalyste français, né en 1955. Il a été responsable de l’unité de thérapie familiale dans le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié Salpetrière à Paris.

Actif politiquement dès le début de sa carrière (auprès du Mouvement pour la Libération de l’Avortement et de la Contraception, dans des mouvements de lutte pour les droits des homosexuels, dans des associations de lutte contre le SIDA y compris en prison, mais aussi contre les dérives sectaires et radicales).

Il est l’auteur de nombreux livres qui traitent des relations familiales, du couple, et plus récemment, de la transidentité.

Danièle Laufer

Danièle Laufer est journaliste. Elle s’intéresse particulièrement aux sujets liés à la famille, à la filiation, et à l’identité. Elle a écrit plusieurs livres autour de ces sujets, notamment sur les familles recomposées ou encore sur les enfants uniques, ainsi que des livres pour la jeunesse. Elle a également écrit à quatre mains avec sa mère un livre sur la déportation.

Certains de ses livres investiguent ce sujet sur un plan intime, comme “Venir après”, pour lequel elle a recueilli les témoignages de fils et filles de déportés de la Shoah.

Plan de l’ouvrage

1 – Les dynamiques relationnelles
2 – La formation du couple
3 – Vivre ensemble
4 – Évoluer ensemble – construire ensemble
5 – Le couple dans son univers social

RÉSUMÉ

1 – les dynamiques relationnelles

La première partie explore les dynamiques relationnelles qui créent et maintiennent le couple. Le couple est considéré comme un lieu de création, un “troisième élément”, sur le mode 1 + 1 = 3, qui permet de s’investir dans une aventure créatrice.

Cet investissement dans le couple vient s’opposer à notre besoin de liberté. Cette tension sera à la source de bien des incompréhensions et des reproches dans le couple.

L’auteur explore alors quelques éléments importants des dynamiques de couple :

– négocier plutôt que reprocher, adopter une vision circulaire plutôt que linéaire

Lorsque chacun des partenaires reste sur ses positions, et sa vision du monde, il a tendance à rester sur un point de vue linéaire, selon lequel ses maux découlent du comportement de l’autre. Et l’autre pense la même chose en miroir.

La négociation et l’écoute de l’autre, permettent de remettre de la complexité dans cette vision du monde : chacun détient une part de la vérité.

Écouter l’autre de façon active, exprimer chacun ses besoins (parler de soi au lieu de reproche à l’autre), permettent de sortir de ces visions partielles et opposées.

L’appui d’un thérapeute qui éclaire les dynamiques du couple permet également de prendre de la hauteur et de raisonner sur ce mode circulaire.

– projet explicite et contrat implicite

La demande explicite, consciente, qui préside à la formation d’un couple, n’est que la partie émerge d’un iceberg bien plus profond. Les contrats implicites, ceux issus de l’histoire familiale de chacun, restent secrets, et ils seront à la source de bien des déceptions et des reproches. Les mécanismes de projection (j’accuse l’autre d’un défaut qui est le mien), mais surtout d’identification projective (je choisis l’autre car il incarne une part de moi que je ne veux pas connaître consciemment, mais qui m’est pourtant indispensable), sont fortement à l’œuvre dans ces choix inconscients.

– amour de soi et amour de l’autre

L’équilibre entre ce que l’on attend des autres et l’autonomie que l’on cherche est également un élément essentiel dans le couple. L’auteur utilise l’idée de “pot commun” pour décrire ce qui relève du couple et ce qui relève de chaque individu. Faute de s’aimer soi-même, la pression mise sur l’autre peut être énorme. Cet équilibre est souvent implicite, et les attentes de chacun peuvent être très différentes. On peut alors mettre en place des stratégies pour se préserver des intrusions du couple dans sa propre identité – le champ de la sexualité étant très propice à ce type de mécanisme.

2 – La formation du couple

Serge Hefez s’attarde sur le premier couple, le baby couple, qui représente le mieux ce qu’il appelle l”illusion duelle”. Cette recherche d’une grande intimité, d’une volonté de tout partager où l’on ne voit que des similitudes de goûts, d’envies. Où chacun a trouvé son âme sœur, son double même. L’auteur y voit une tentative de retrouver le stade du miroir, où le bébé se reconnaît comme une personne dans le regard de sa mère. Chacun ici devient la mère idéal de l’autre.

Ces couples ne survivent souvent que le temps de cette illusion, parfois en rejetant violemment quiconque voudrait interroger la réalité de cette entente merveilleuse (y compris si c’est justement le partenaire lui-même s’il trahit cet idéal).

Mais chacun pourra garder la nostalgie de cette période de perfection, que nous retrouvons en plus petit au début de chaque relation. Certains d’ailleurs refuseront de passer à l’étape suivante, et seront voués à arrêter leurs relations au bout de 2 à 3 ans, lorsqu’elles se confrontent à la réalité.

La notion de contrat initial influence également la formation du couple : il s’agit pour l’auteur de toutes les demandes, attentes, implicites, que l’on apporte dans ce couple.

L’auteur aborde ensuite la défusion qui suit immanquablement la première phase de fusion parfaite du couple. Les individus réapparaissent, et chacun vit alors un déchirement lié à la sensation de perdre son individualité. Avec des besoins de proximité et de partage différents, parfois opposés, les deux parties se déchirent, et “ni avec toi, si sans toi, entre autonomie et dépendance, entre liberté et contraintes, vivent sur la scène de l’intime une tension que la société contemporaine toute entière s’épuise à résoudre depuis près d’un siècle”. La tension entre l’individu et le collectif ramenée à son expression minimale. Comment passer de la contrainte à l’épanouissement, et utiliser la force du couple pour se réinventer en tant qu’individu ?

3 – Vivre ensemble

Serge Hefez part du constat que les crises sont inévitables dans le couple. Les couples qui n’en rencontrent jamais seraient simplement dans l’évitement de la différenciation.

Car la première crise fondatrice vient avec le renoncement au personnage que l’on a idéalisé pendant la phase de fusion. L’autre n’a pas changé, mais nous le percevons différemment. Cela entraîne une déception douloureuse, qui nous oblige à revoir le clivage initial, et à réintégrer tous les aspects de l’autre partie.

Parfois l’illusion est maintenue à tout prix, par exemple en projetant les parties inacceptables sur un tiers – c’est ta mère qui nous monte l’un contre l’autre. Ou même en rejetant l’être aimé si c’est lui qui rompt le pacte d’idéal.

Mais le plus souvent, cette première crise mène à rebattre complètement les cartes dans le couple : chacun retrouve des parties de lui mises de côté, et renégocie ce qu’il met dans le pot commun du couple.

On retrouve ici les différentes formes de couple (1+1 = … 1 … 1+1 … 3 ?) suivant ce que chacun engage dans le couple ou garde pour lui.

Cette première crise offre l’occasion de dévoiler des pans du pacte fondateur, implicite, qui a présidé à la formation du couple. La notion de collusion recouvre les conflits inconscients communs non résolus. La collusion est l’illusion d’avoir trouvé le partenaire idéal, complémentaire… parce qu’il sera le thérapeute idéal. Le rôle du thérapeute peut alors devenir d’externaliser cette fonction : en parlant au nom du couple, il peut aider à dévoiler et à renégocier ce pacte fondateur. L’auteur s’appuie notamment sur les rêves et sur les fantasmes pour décrypter ces éléments inconscients.

4 – Évoluer ensemble, construire ensemble

Mythes, règles et rituels

Le mythe est une histoire dont on a oublié l’origine, mais qui communique du sens, le bien et le mal, le vrai et le faux. Des mythes se transmettent dans les familles (par exemple, “chez nous on est bricoleurs”), et chaque couple puise dans les histoires des deux familles d’origine pour créer son propre récit.

Ce récit personnalisé viendra soutenir la fondation du couple. Mais la souplesse du fonctionnement du couple dépendra de la possibilité de remettre en cause les règles qui en découlent.

De nombreuses règles régissent la vie du couple – qui fait quoi à la maison, qui peut prendre une initiative sans consulter l’autre, … mais seules certaines d’entre elles ont été négociées, validées par les partenaires, les autres ne sont pas verbalisées : elles émergent du pacte fondateur ou du mythe conjugal. Le couple ne les voit même pas, même si elles sautent aux yeux d’un observateur extérieur.

Elles émergent cependant dans les rituels qui parsèment la vie quotidienne. On ne peut pas tout réinventer chaque jour, des rituels répétés sont donc nécessaires pour fournir une structure rassurante. À condition de les réinventer et de les renégocier régulièrement.

La désignation d’un tiers

Passée la phase de fusion où chacun est tout pour l’autre, le couple se voit adjoindre un tiers séparateur. Pour la danse du couple, le tiers procure la musique. Il peut-être abstrait (un projet commun, le travail) ou une personne (un parent, un enfant). La “désignation” est le processus par lequel un couple se choisit (le plus souvent inconsciemment) un tiers pour donner le tempo de leur relation. Là encore, le thérapeute peut aider à conscientiser ce qui s’est mis en place de façon inconsciente.

D’autant plus si le tiers a été choisi au sein-même du couple, et que c’est l’un des conjoints qui joue le rôle de bouc émissaire, ou mieux encore, que chacun a été désigné le bouc émissaire de l’autre.

Enfin, à l’inverse, si l’un des conjoints devient non pas le bouc émissaire mais le thérapeute de l’autre, la relation risque de stagner dans cet équilibre insatisfaisant mais puissant.

5 – le couple dans son univers social

Une fois ouvert ainsi, le couple se retrouve en relation avec tout un univers social autour de lui. Chacun devient par exemple une part du couple, et son identité se voit redéfinie : on invite “Pierre et Marie” à manger.

La naissance du premier enfant, en chargeant chaque conjoint d’un nouveau rôle, vient également bousculer la place de chacun, ses représentations – la question de “qui est qui ?” se transforme abruptement en “qui fait quoi ?”. Le partage des tâches parentales vient interroger les convictions, les valeurs, mais aussi l’intime.

Mais les choses se compliquent encore avec la naissance du second enfant, car le nombre de relations à redéfinir est exponentiel. Entre chacun des parents et chaque enfant, entre les enfants entre eux, entre les parents entre eux. Sans parler des familles recomposées, où les enfants définissent finalement le couple, et non l’inverse.

L’auteur aborde également, comme un dernier tiers, la question de la relation extra-conjugale. Et pose la question de la liberté sexuelle, mais aussi de l’intimité – depuis la révolution sexuelle des années 60, tolèrerait-on mieux une infidélité sexuelle qu’une trahison de l’intimité ?

Critique du livre

Ce livre présente une approche psychodynamique du couple.

Certains concepts, comme le contrat implicite, le mythe conjugal et les règles qui en découlent, sont très psychanalytiques et ne me semblaient pas claires en première approche – et surtout, très éloignées de mes propres bases théoriques actuelles, basées sur le modèle développemental du couple, et sur la thérapie centrée sur l’émotion.

Mais La danse du couple est plutôt facile à lire, et l’auteur illustre chaque partie avec de nombreux cas cliniques qui permettent de bien comprendre les notions abordée.

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