Cette hiver, le cercle d’hommes que j’ai créé à Caen en 2019 fêtait ses deux ans. Deux ans durant lesquels nous auront vécu une pandémie, trois confinements… et bien sûr de nombreux événements intimes pour chacun d’entre nous.
Pourquoi créer un cercle d’hommes ?
Après #metoo, il est apparu comme une évidence que la société devait se transformer, prendre en compte l’ampleur de la violence qui avait été dévoilée. Pour, à terme, réinventer les rapports hommes-femmes.
Et qu’en tant qu’hommes, nous avions notre part à jouer dans cette transformation.
Après #metoo, il est apparu comme une évidence que la société devait se transformer et qu’en tant qu’hommes, nous avions notre part à jouer dans cette transformation.
J’avais beaucoup travaillé sur la féminité et la sexualité féminine dans le cadre de recherches artistiques, de performances, de workshops, du livre que j’avais écrit sur la masturbation féminine…
Mais si je m’étais beaucoup intéressé à l’autre, j’avais jusque là très peu abordé mon propre sexe, mon propre corps.
La création de ce cercle a été pour moi l’occasion de creuser et de partager mes propres interrogations sur le masculin (les masculins, bien sûr), la virilité, la puissance et la vulnérabilité…
Un cercle d’hommes, c’est quoi ?
Il y a de nombreux cercles d’hommes, y compris à Caen il y en a d’autres (je pense au cercle d’hommes mené par Marc Laneelle par exemple). L’ambiance dans ces cercles peut être assez différente, tout dépend de la personnalité de celui qui le mène. Je ne peux donc parler que de la façon dont j’anime le mien, peut-être un peu plus informelle que d’autres.
Nous nous voyons un soir pendant trois heures, une fois par mois depuis deux ans et demi.
Le cercle comprend deux à trois parties :
Une temps d’exercices et d’expériences
Après un échauffement corporel, je propose des exercices ou des expériences. Ces exercices sont différents d’une fois sur l’autre.
L’un des premiers constats que l’on a pu faire est la façon dont l’éducation des garçons – en tous cas notre génération – nous a amenés à bloquer tous nos ressentis corporels et émotionnels.
« Ne pleure pas », « serre les dents et avance », semblent avoir été les mots d’ordre du masculin jusqu’à aujourd’hui.
L’un de mes objectifs principaux dans ce cercle est la reconnexion à nos corps, à nos émotions. Simplement savoir ce qui se passe là, écouter son corps, ses émotions, son « felt sens » (tel que défini par le focusing).
Développer un vocabulaire du corps et des émotions, pouvoir exprimer ce que l’on ressent. Le cercle est un environnement bienveillant, où ceux qui ne sont pas habitués peuvent s’autoriser à se montrer vulnérable.
Tout cela passe par des exercices physiques, des exercices de communication, mais aussi des méditations de pleine conscience et des méditations centrées sur la compassion.
Un temps d’étude
Suivant les cycles, un temps d’étude permet de prendre le temps de réfléchir et de discuter autour de grands principes – puissance & vulnérabilité, corps & esprit, contrôle & lâcher prise…
Au début du cercle, nous avons traversé tout un cycle où nous commencions par l’étude d’un archétype masculin (le roi, le guerrier, le magicien, l’amant), ce qui nous a permis de réfléchir à nos valeurs, à nos actions (quelques éléments sur les 4 archétypes du masculin).
Ce travail sur les archétypes permet d’avancer vers une déconstruction de certains stéréotypes attachés à l’identité masculine.
Un temps de parole
Ce temps permet de se parler librement. Il est plus ou moins similaire dans tous les cercles d’hommes, ou même dans tous les cercles de parole.
C’est l’occasion de partager nos préoccupations dans un environnement ouvert et bienveillant, sans jugement. : travail, couple, famille, rapport au corps (cf mon article sur les complexes corporels chez les hommes), sexualité, paternité. Paternité c’est à dire rapport à nos enfants, mais aussi rapport à nos pères, rapport aux femmes …
Si les sujets abordés sont libres, le cercle est régi par quelques règles simples :
Un bâton de parole permet à celui qui le tient de ne pas être interrompu.
Chacun le prend à son tour, sans ordre particulier ni obligation de parler.
Chacun parle à la première personne : il ne s’agit pas d’une discussion théorique sur des grands principes (c’est l’objet du temps précédent). Il s’agit bien de témoigner de ce que chacun vit dans son quotidien, ici et maintenant.
Pendant qu’un homme parle, les autres sont dans une écoute active : ils essayent de ne pas de réfléchir à un commentaire ou à un conseil, mais simplement d’entrer dans la problématique de l’autre, de la ressentir. Comment les paroles de cet homme font-elles écho à ma propre expérience ? Est-ce que je peux ressentir les mêmes émotions que lui ?
Un repas partagé
Comme j’aime les moments informels, une fois le cercle clos, nous finissons toujours par partager un repas tous ensemble. C’est aussi le moment de debrieffer, d’échanger, et de créer des liens plus légers que dans la structure un peu formelle du cercle.
Et maintenant ?
Ce cercle d’hommes à Caen continue son œuvre (au sens alchimique, de transformer la matière en or, de nous transformer nous-même en une version plus sensible, plus ouverte), chaque mois.
Je l’avais monté en recrutant des hommes aux profils très différents, et au fil de ces deux ans et demi, il a créé de vrais liens, des solidarités et des amitiés.
Sur le plan personnel, la transformation s’est opérée, et chacun de nous (moi y compris) a pu découvrir de nouvelles parties de lui-même, prendre du recul avec ses automatismes, ses croyances… en un mot s’ouvrir.
Il est possible que je redémarre un nouveau cercle en 2023.
L’avenir nous le dira…