Keely Kolmes, de l’Université de Stanford, a mené une étude sur la façon dont le fait, pour un patient, de déclarer qu’il pratique le BDSM, influait sur sa prise en charge dans le cadre d’une psychothérapie.
Dans le cadre de ma propre réflexion sur la façon dont j’accueille mes patients en EFT, y compris ceux qui ont un rapport particulier à la sexualité (SM, asexualité, …) j’ai décidé de traduire les grandes lignes de cette étude.
Lire l’étude :
Investigating bias in psychotherapy for BDSM clients
[PDF, 2006]
La majorité des patients (65,1%) parlent de leurs pratique à leur psy, souvent très tôt dans la thérapie, même quand elle n’est pas liée à la problématique qui les amène.
Il est cependant notable que 74.9% de ces patients déclarent que le BDSM n’était pas lié au motif de leur consultation.
Mais cette information risque tout de même de modifier la façon dont le thérapeute aborde leur thérapie et de créer des biais.
C’est le cas dans 118 incidents soulevés par cette étude.
Un ami m’a rapporté que son psychothérapeute lui a expliqué que le BDSM était par essence de l’abus, et qu’il ne pouvait plus le recevoir tant qu’il continuerait ces pratiques
Biais thérapeutiques et prises en charges inadéquates
Les biais ou les prises en charges inadéquates ou inappropriées relevés par les patients sont majoritairement :
- Que le thérapeute considère que le BDSM est une pratique malsaine
- Que le thérapeute demande au client d’arrêter ses pratiques BDSM comme préalable à la poursuite de la prise en charge thérapeutique.
- Que le thérapeute confonde BDSM et abus
- Devoir éduquer le thérapeute en ce qui concerne le BDSM
- Que le thérapeute considère qu’un intérêt pour le BDSM indique des abus conjugaux ou familiaux passés
- Que le thérapeute se présente comme “BDSM positif” alors qu’il ne maîtrise pas les pratiques BDSM.
Quant aux conceptions et idées des thérapeutes qui ont semblé agir dans un sens négatif, les patients citent :
- Ne pas comprendre que le BDSM implique des relations consensuelles
- Les thérapeutes qui se présentent comme “BDSM-friendly” mais manquaient de limites
- L’idée que la soumission est une forme d’autodestruction
- Les thérapeutes qui abandonnent leurs patients si ceux-ci ont des pratiques BDSM
- Les tentatives de “réparer” les patients uniquement parce qu’ils ont des pratiques BDSM
- Faire un signalement / briser la confidentialité car le thérapeute présume que les pratiques BDSM du patient mettent d’autres personnes en danger
- Présumer que des trauma passés sont la cause des pratiques BDSM
- Attendre du patient qu’il apprenne le BDSM à son thérapeute
- Montrer un intérêt lascif pour les détails des activités BDSM du patient
Les thérapeutes “BDSM-friendly” de cette étude ont également cité des pratiques qu’ils considèrent comme blessantes pour les patients :
- Faire honte au patient ou devenir jugeant face à des penchants BDSM
- Adhérer à des théories qui pathologisent le BDSM
Les “bonnes pratiques”, ou les éléments aidant dans le cadre d’une thérapie
Les patients ont également cité les éléments qui leur semblaient aidants de la part des thérapeutes :
- Poser des questions sur le BDSM (mais ne pas attendre du patient qu’il fasse toute l’éducation du thérapeute concernant le BDSM, que le thérapeute lise et se renseigne également lui-même)
- Lorsque le thérapeute est à l’aise avec les discussions portant sur les pratiques BDSM
- Aider le patient à surmonter la honte et la stigmatisation associés à la pratique BDSM
- L’ouverture et l’acceptation
- Comprendre la différence entre BDSM et abus
- Lorsque le thérapeute comprend et valide l’idée d’un BDSM sain, sécure et consensuel (“Safe, Sane and Consensual”)
- Comprendre ou pratiquer soi-même le BDSM
- Comprendre la complexité des pratiques BDSM, et être capable d’aider le patient à déterminer s’il utilise cette pratique de façon positive ou négative.
Les thérapeutes soulevant de leur côté la volonté de soulever des questions liées au BDSM, la normalisation de l’intérêt pour le BDSM de la part de patients qui découvrent cette pratique, l’acceptation avec ouverture d’esprit, une bonne information sur le BDSM et la subculture qui va avec, et ne pas focaliser sur les pratiques BDSM si ce n’est pas en lien avec la demande du patient.
L’étude précise que ces patients n’ont pas été interrogés sur les suites d’une thérapie problématique, dans laquelle leurs pratiques BDSM a causé un problème (jugement, demande d’arrêter, …). On ne sait pas dans quelle mesure cette expérience douloureuse les empêche de retourner voir un thérapeute si le besoin s’en faisait sentir.
Les auteurs de l’étude espèrent qu’elle pourra aider à poser des lignes de conduites éthiques pour le suivi thérapeutiques des pratiquants BDSM. Keinplatz et Moser (2004) ont commencé à avancer sur cette question – j’ai traduit leur article Vers un guide des bonnes pratiques pour la prise en charge des clients BDSM
Dans tous les cas, cette étude met en évidence le besoin d’une formation plus poussée aux pratiques et enjeux du BDSM pour les psychiatres, psychologues et professionnels de la santé mentale.
Notamment qu’ils puissent comprendre comment les limites sont établies dans le cadre du BDSM.
Et surtout, d’être capable de travailler avec un client sur les enjeux qu’il présente, sans tout ramener nécessairement à sa pratique BDSM.